Membres d'honneur

Les petites histoires des grandes rencontres

Depuis ses origines et au fil du temps, le GREA a tissé des liens avec la grande famille de l’exploration polaire, de la recherche scientifique et du voyage. A notre demande, certains d’entre eux ont accepté de rejoindre le GREA en devenant nos membres d’honneur, soulignant par là même leur soutien à nos projets. Ceux qui nous ont quittés pour le grand voyage restent dans notre mémoire et notre reconnaissance les suit toujours.

C’est à la lecture des récits de leurs aventures que la plupart d’entre nous cette soif de découverte et d’espaces sauvages, ou alors, c’est de les avoir rencontrés “là haut” sur le terrain, très loin, qui nous a rapprochés d’eux.

Paul-Emile Victor, Cousteau ou encore Haroun Tazieff, nombre d’entre nous ont dévoré leurs ouvrages et rêvé de pouvoir marcher un jour sur leurs traces. Leur notoriété et l’aura qui les entouraient nous les rendaient a priori inaccessibles. Dès 1976, Paul-Emile Victor en personne s’est alors engagé à patronner notre première expédition en Alaska. Sa lettre de recommandation allait s’avérer d’une grande utilité, car P.E.V. n’était pas un inconnu en Alaska où il s’était distingué dans diverses missions de reconnaissance de l’armée américaine pendant la guerre.

Ces premiers contacts ont aussi largement contribué à nous ouvrir les portes du Club des Explorateurs où nous allions faire la connaissance d’autres illustres personnalités de l’exploration. À P.E.V. sont ainsi venus s’ajouter ses anciens compagnons de la traversée du Groenland Robert Gessain et Egil Knuth, ainsi que des scientifiques très reconnus et qui ont beaucoup contribué à enrichir les connaissances des peuples et de l’environnement polaire : Joelle Robert Lamblin du CNRS (qui a publié les travaux de PEV et réalisé le bel ouvrage de la Civilisation du phoque avant d’aller réaliser des missions en Sibérie où elle s’intéresse au chamanisme), Claude Lorius (Membre de l’académie des sciences, renommé pour ses travaux de glaciologie qui lui ont valu la médaille d’or du CNRS 2002) et Catherine Enel (ethnologue).

Avec Jean Dorst (directeur du Museum de Paris), ce fut moins l’Arctique que l’ornithologie et la recherche naturaliste en général qui allait être représenté au sein du cercle de nos membres d’honneur. Ce grand homme avait toujours un mot aimable et chaleureux pour accompagner nos départs.

Il n’était pas possible de ne pas croiser sur notre route le célèbre Dr Jean-Louis Etienne si populaire en France pour sa traversée jusqu’au pôle nord, puis pour l’expédition internationale de la transantarctica, d’autant plus que nous adhérons pleinement à sa visée éducative et humaniste.

Il a fallu des expéditions dans le Grand Nord canadien pour découvrir un homme aussi humble que fascinant et généreux : le Père Marie Rousselière, homme d’église et archéologue de réputation mondiale. Nous lui devons une aide très précieuse dans le cadre de nos expéditions sur l’Ile Bylot. “Father Mary” était très respecté par des Inuit qu’il rapprochait de leurs racines en les associant à ses nombreux travaux d’archéologie, riches en trouvailles sur la période du Dorset.

Et toujours à nos côtés, Finn Lynge (senior consultant pour le gouvernement groenlandais, membre émérite du parlement européen où il fut représentant du Groenland) qui a beaucoup œuvré pour la présence française au Groenland.

Citons aussi parmi nos membres d’honneur étrangers, le Prof. Grzimek, zoologue réputé, très populaire en Allemagne et engagé dans la protection de la nature, Edmond Hillary conquérant de l’Everest et explorateur de l’Antarctique où il a côtoyé Paul-Emile Victor, et Vincent Weir, notable et mécène écossais connu pour ses engagements dans le domaine de la protection de la nature. Plus récemment, c’est Bernard Buigues, découvreur du mammouth Jarkov qu’il a sorti des entrailles du sol gelé sibérien, qui a accepté de nous rejoindre. Homme de logistique (notamment des premières expéditions Jean Louis Etienne puis de la plateforme franco-russe “Barneo” pour les expéditions au pôle nord géographique) et de terrain, le GREA n’a pas pu résister à son rayonnement : Bernard travaille avec une éthique tout à son honneur avec les dolganes et russes du Grand Nord.

Quant à l’acceptation par Son Altesse Sérénissime le Prince Rainier de Monaco de devenir membre bienfaiteur du GREA, inutile de préciser combien cette nouvelle nous a honorés. Le nom de son aïeul, le Prince Albert 1er est étroitement lié à la Recherche Polaire du début du 20ème siècle et Son Altesse Sérénissime portait lui-même un vif intérêt pour ces régions et leur exploration.

Témoignages

portrait

Dr. Jean-Louis Etienne

Médecin, explorateur polaire

«  L’Arctique est une zone d’exploration où sont représentés presque tous les pays de la circonférence polaire : les Canadiens, les Danois, les Scandinaves, les Russes et très peu les Français. Les Français sont présents dans des sciences plus physiques sur le territoire austral. Il y aune très forte présence parce que la France a des territoires, mais dans l’arctique, à part le GREA, je ne vois aucune entité française qui étudie vraiment la nature. C’est en allant longtemps dans le même lieu qu’on peut dire qu’il y a un changement et comprendre un écosystème. Cà ne se fait pas en un seul voyage, çà se fait sur la durée et çà le GREA sait bien le faire depuis longtemps, sur l’Arctique. La démarche naturaliste s’est maintenue mais elle s’est ultra spécialisée c’est à dire que chacun, dans son laboratoire, est devenu le spécialiste d’une espèce et ce n’est pas en devenant le spécialiste d’une espèce qu’on a une vision d’ensemble. On manque aujourd’hui, d’une vision naturaliste plus globale. Il est important d’étudier, de bien connaître une espèce et de dire, “elle est menacée”, “elle est en voie de disparition”, “elle est atteinte” mais ce qui est important c’est de relier son affection par rapport à l’atteinte du milieu et de bien mettre en évidence que chaque espèce et interdépendante des autres. La nature, comme le disait Jean-Henri Fabre, c’est une ruche vivante où tous les habitants ont la vie en commun et il y a une mutualisation entre les espèces, toutes dépendent les unes des autres. Etudier une espèce, oui, mais ce qui est important c’est de revenir à cette vision globale du naturaliste du siècle dernier ou du début du siècle qui avait une culture générale de la nature. L’homme a une vision très anthropocentrique. Il est en train de perdre de vue qu’il fait partie de cette ruche vivante. En laissant disparaître les espèces, c’est lui petit à petit qui est en train de toucher à son habitat. L’exploration naturaliste a besoin d’être complètement réactualisée. On a besoin d’une culture transversale, d’hommes de terrain parce que c’est sur le terrain qu’on s’aperçoit de cette interdépendance, on s’aperçoit où sont les points faibles, où sont les altérations ; c’est là qu’on a une vision globale des choses. L’éducation est fondamentale pour l’avenir car ce sont tous les gestes au quotidien, toutes les décisions qui seront prises par une jeunesse qui sera en situation de décider. Cette jeunesse a besoin d’être formée à cette idée de fragilité. Faire de l’éducation, à partir des milieux polaires a un avantage formidable : c’est déclencheur de rêve. Le milieu polaire possède une attractivité très forte et donc, on amène à travers ces expéditions, à travers ces voyages polaires, beaucoup d’écoute, et c’est possible de faire passer une multitude de messages et la compréhension que la planète est unique, qu’il y a un brassage atmosphérique, que tout est global, qu’il n’y a pas du local. Les régions polaires ont une puissance de par l’éloignement, le froid et le climat qui règnent. On les aime, ces régions parce qu’elles représentent dans l’imaginaire cette virginité planétaire. C’est vrai que c’est blanc, que c’est beau, que les traces de pollution ne sont pas évidentes. Mais si on fait une biopsie de ces régions polaires, si on va chercher un peu en profondeur en faisant des analyses de la glace, du plancton, de toutes les espèces animales et jusqu’à l’ours, on se rend compte que là aussi il y a cette infiltration sournoise d’une pollution. On retrouve dans le sang et dans le lait de la mère des ours, des pesticides, des métaux lourds, parce qu’il sont en bout de chaîne. Même ces régions polaires ne sont pas à l’abri. Il n’y a qu’une seule entité planétaire, une seule entité atmosphérique ; l’air à la campagne est plus pur que dans les villes mais dès que l’on s’élève un peu, il y a un brassage atmosphérique qui fait que, même les régions les plus pures ne sont pas épargnées. Les régions polaires sont des sanctuaires, mais elles sont aussi les indicateurs des actions que l’on mène aujourd’hui. Qui aurait imaginé qu’on allait trouver des pesticides au pôle nord ? »

portrait

Pr. Jean Dorst

Ancien Directeur du Museum d’Histoire naturelle, Paris

Paris, le 13 juin 2000

«  Je suis depuis longtemps les activités multiples de ce groupe par ailleurs si sympathique de chercheurs et d'explorateurs du Grand Nord. Les perspectives d'une nouvelle mission au Groenland d'une part, de la réalisation d'un film consacré à ces milieux passionnants d'autre part m'ont empli d'aise. C'est à ce dernier aspect des prochaines activités que je souhaite revenir. Les milieux polaires, et spécialement arctiques, constituent de véritables laboratoires naturels, des expériences en vraie grandeur, où les processus biologiques et avant tout écologiques sont plus faciles à mettre en évidence. Et cela en dépit de l'appauvrissement des composantes biotiques, en fait grâce au nombre très réduit de ceux-ci. Je pense avant tout aux relations proies-prédateurs, aux fluctuations de grande amplitude des effectifs des diverses espèces, encore mal élucidées. Les adaptations à un milieu extrême et au très court été polaire sont également des sujets dignes de retenir l'attention des biologistes. A part les grands déserts, nous nous y trouvons dans les difficultés les plus rudes auxquelles la vie a su faire face. Et pourtant un nombre représentatif d'espèces hautement adaptées a réussi une colonisation. Ces adaptations sont physiologiques, surtout écologiques. Les hommes eux-mêmes y ont réussi. Cet aspect humain est lui aussi à prendre en considération et mérite notre attention, ne serait-ce que par comparaison avec ce que nous apprennent les végétaux et les animaux du Grand Nord. C'est aussi ici que l'on peut mesurer à sa vraie valeur les recherches menées sur le terrain, authentiques travaux des sciences de la nature. Aussi prestigieuses soient-elles, les recherches en laboratoire ne les remplaceront jamais, elles sont bien au contraire remarquablement complémentaires et prolongeant en les confirmant le patient travail des naturalistes in natura. Nous avons la chance que les milieux polaires n'aient subi que peu de modifications de la part de l'homme, voire d'irrémédiables destructions comme c'est le cas partout ailleurs à travers le monde. Ces études doivent être menées par des chercheurs capables de travailler avec rigueur dans les conditions les plus pénibles, parfois les plus dangereuses que l'on peut imaginer. Je tiens ces explorateurs-naturalistes en la plus haute estime. Sans cesse à chacun de leur retour, la mission accomplie, ils nous apportent une moisson de données nouvelles sur la biologie des êtres vivants établis sur les terres polaires, spécialement arctiques où la vie terrestre a sa place, contrairement à l'Antarctique où elle n'est qu'essentiellement tournée vers la mer. Croyez, je vous prie, à toute ma sympathie. Avec mes vœux les plus chaleureux, elle accompagne les membres du GREA dans chacune de leurs hardies entreprises. »

portrait

Finn Lynge

Membre émérite du Parlement européen, senior consultant pour le gouvernement groenlandais

A Narsaq, Groenland, juin 2003

« Historiquement, toute présence humaine dans l’Arctique est fondée sur la chasse et l’élevage de troupeaux. Le cœur de toutes les sociétés cynégétiques repose sur l’équilibre entre le chasseur et sa proie, équation qui, depuis l’existence du Rapport Brundtland, est acceptée comme étant le principe même de durabilité. Dans les zones tempérées, l’interaction Homme-Nature prend la forme d’une domestication de tous les processus naturels utiles à l’Homme, côte à côte avec une industrialisation qui n’a d’yeux que pour les mécanismes de marché, sans considération pour ses effets sur l’environnement naturel. Immanquablement, il existe désormais dans l’Arctique, où les défenseurs des véritables sociétés traditionnelles de chasseurs ne sont plus équipés que d’armes modernes, entraînant une tentation de sur-prédation. D’une façon ou d’une autre, que ce soit dans l’Arctique ou dans les parties du monde les plus développées, les êtres humains finissent toujours par créer des problèmes de préservation des habitats, des espèces et des processus naturels de vie. Notre génération, qui vit la rencontre de cultures très différentes s’influençant réciproquement, est aujourd’hui confrontée à ces deux types de problèmes. Nous les voyons s’imbriquer pour créer une pression nouvelle sur la nature. Que ce soit en Sibérie, en Fenno-Scandinavie, en Alaska, dans le Grand Nord canadien ou au Groenland, la nature est désormais menacée tant par la pollution industrielle que par une pression directe et excessive sur les ressources naturelles. La première de ces menaces sur la nature est indubitablement plus sérieuse que la seconde, pour la simple raison qu’elle paraît irréversible. Les sociétés cynégétiques de l’Arctique sont actuellement menacées par d’énormes quantités de déchets industriels et de produits chimiques non dégradables qui proviennent de régions éloignées de plusieurs milliers de kilomètres. Ils pénètrent la chaîne alimentaire au niveau microscopique et, par l’intermédiaire des poissons et des phoques, finissent pas rendre stériles les ours polaires du Spitzberg et du Nord-Est du Groenland, un désastre parmi d’autres. Dans le même temps, le grand public des pays industrialisés est révulsé quand il voit, sur les écrans de télévision, l’habitant moyen du Grand Nord faire son métier de chasseur-trappeur, c’est-à-dire tuer des animaux sauvages pour vivre. D’un autre côté, ce sont ces mêmes pays industrialisés qui approvisionnent ces vrais chasseurs en armes et outils de pêche de plus en plus efficaces, créant une tentation accrue de sur-prédation. Où se situent les écologistes dans cette énorme machinerie de destruction de la nature ? Ils sont les protagonistes d’un bon sens, quasi désespéré quoique prudemment distancé. Ils observent, analysent, s’en tiennent à la vérité non biaisée et font leurs recommandations. Ils sont nos éclaireurs et nos guides. Au Groenland, nous leur devons attention, respect et support. Longue vie au GREA ! »

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Catherine Enel

Anthropologue

« Que fait une photo de moi, incongrue dans mon petit tailleur d'été, sur la page de couverture du bulletin de liaison 2003 du GREA et du CEDMP, parmi la galerie de portraits de tous ces écologues emmitouflés dans leurs laines polaires et leurs anoraks, le bonnet enfoncé sur les oreilles pour se protéger du froid arctique ? Quel lien avec le GREA ?, ont dû se demander quelques-uns. La vie a fait que j'ai eu, moi aussi, ma période arctique qui a laissé la place à la période africaine que je vis actuellement. Mais dans ma mémoire il y a un gros tiroir 'Groenland' et dans mon cœur une grande place pour le GREA. Il est mon thérapeute qui tempère la véhémence de mon rejet du Groenland. Il me force à extraire de mon inconscient les images libératrices du milieu naturel, fortes, belles, intenses, minérales, glaciales, végétales, animales, dont j'aurais voulu pouvoir goulûment profiter mais qui ont été masquées par des expériences traumatisantes de violence déstructurante du milieu humain. J'admire et encourage l'engagement du GREA à découvrir, comprendre et partager la connaissance de l'environnement quotidien des chasseurs inuit qui ont fait l'objet de ma thèse. »

Joëlle Robert-Lamblin

Anthropologue, Directrice du laboratoire « Dynamique de l’évolution humaine » au CNRS

« Dans le sillage de Robert Gessain et de Paul-Emile Victor, j’ai consacré ma vie professionnelle à l’étude des modes de vie des populations eskimo (inuit). Dans l’Arctique, l’interdépendance est particulièrement marquée entre les hommes vivant exclusivement de la chasse et de la pêche et leur milieu naturel. Pour comprendre ces cultures et leur évolution, il est donc indispensable de s’appuyer sur les travaux des naturalistes. Depuis 30 ans, le GREA contribue par son dynamisme à recueillir et diffuser auprès d’un large public des informations sur la faune et la flore du Grand Nord, des données d’observation qui doivent le plus souvent être recherchées dans des zones très inhospitalières, telles que la cote nord-est du Groenland. Son grand mérite est d’avoir ainsi concouru à entretenir l’intérêt des français pour les régions polaires. »

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